Quand la politique veut réduire la science au silence

Si le gouvernement se réfère essentiellement à l’avis de son conseil scientifique dans le cadre de la lutte contre l’expansion de la COVID-19, il fait précisément le contraire en matière environnementale.
Le 26 janvier dernier, l’Académie des Sciences alertait sur l’érosion des écosystèmes et en particulier sur le déclin les insectes, en ces termes :
« L’érosion de la biodiversité des Insectes, de plus en plus décrite et analysée dans les travaux scientifiques, représente une grave menace pour nos sociétés […] ils assurent des
services essentiels comme la pollinisation, le recyclage de la matière organique et une participation à la plupart des réseaux alimentaires. L’ensemble de ces services représente une valeur monétaire de plusieurs centaines de milliards d’euros à l’échelle mondiale. Depuis plusieurs décennies, de nombreux travaux scientifiques dans des écosystèmes variés montrent des baisses très importantes et durables des populations d’Insectes, voire des extinctions d’espèces, et leurs attribuent quatre causes principales dont les deux ci-dessous concernent directement l’apiculture :
• L’usage croissant et non ciblé de pesticides à haute toxicité (notamment néonicotinoïdes) ;
• L’introduction de très nombreuses espèces exotiques envahissantes (notamment le frelon asiatique).
Face à un tel bilan, l’Académie des sciences recommande urgemment au gouvernement d’engager une réduction significative de l’usage des pesticides pour conduire, à terme, à leur remplacement intégral par d’autres méthodes de lutte, par exemple celles fondées sur l’agro-écologie. »
Pourtant, malgré ces alertes incessantes émanant de comités d’experts indépendants, des décisions contraires sont prises par nos dirigeants. Telle celle concernant la ré-autorisation des néonicotinoïdes (sur les betteraves), ou encore l’inaction de l’État face à l’expansion du frelon asiatique depuis son introduction en France, en 2004.
Hasard des agendas, ce même 26 janvier 2021 était adopté le rapport parlementaire sur « Les entraves à l’exercice de certaines activités légales », demandé par la ministre de l’Écologie et présidé par le député Xavier BRETON. Son objectif ?
Intensifier la répression pénale envers les lanceurs d’alerte et défenseurs de l’environnement, opposés notamment aux pesticides, PGM et autres OGM… Une orientation qui bafoue les principes élémentaires de la démocratie.
Si ce rapport parlementaire est transposé en dispositions réglementaires, les libertés d’informer et d’agir au service du bien commun contre les pratiques destructrices de l’environnement seront supprimées… Ainsi, nous devrons dorénavant laisser empoisonner nos abeilles sans réagir ; certains articles de notre revue seront censurés ; et les académiciens des sciences, en publiant leurs rapports en faveur de l’intérêt général,
seront également condamnables…
Un tel niveau d’atteintes aux libertés publiques s’avère extrêmement préoccupant.
Comment espérer, dans un tel contexte politique, une issue favorable à la révision sans cesse reportée de la « mention abeilles » pour mieux protéger les pollinisateurs ?
Comment croire que le comité de surveillance de la dérogation des néonicotinoïdes sur la betterave sucrière puisse agir en faveur de l’environnement quand les associations environnementales, l’Interprofession InterApi et l’ANSES qui y siègent, ont jugé non recevable le projet d’arrêté qui leur a été présenté le 22 janvier dernier ?
« Nous sommes en guerre », a déclaré M. MACRON. Le peuple des apiculteurs et le SNA ne baisseront pas les armes !
Nous continuerons, au travers de la défense de l’apiculture, à défendre aussi les valeurs essentielles : le respect du vivant et des générations futures.

Retrouvez le sommaire et plus d’informations sur le site de l’Abeille de France