Les conseils de Denis JAFFRÉ pour une lutte efficace

Depuis de très nombreuses années, les apiculteurs recherchent la voie la plus sérieuse et la plus sélective possible pour lutter contre le prédateur le plus redoutable auquel nos abeilles n’ont jamais eu à faire face, après le varroa : le frelon asiatique Vespa velutina.
Aujourd’hui, ceux qui envisagent de prendre aussi en charge cette lutte admettent enfin qu’il existe un piège sélectif. Ils le décrivent de façon précise en le préconisant : « des pièges à sélection physique de type nasses équipés de cônes d’entrée afin de retenir les reines et les ouvrières du frelon asiatique (FA), tout en laissant échapper un maximum d’espèces non ciblées.
» Et de préciser que : « l’orifice d’entrée doit être adapté à la taille du frelon asiatique et exclure l’entrée d’insectes plus gros tels que le frelon européen »… Ceci ressemble en tous points à la description d’un Bac de Capture Préventif Autonome (BCPA) Jabeprode. Existe-t-il un autre dispositif sérieux, durable et pour tout dire, professionnel, qui s’en rapproche ? La réponse est : non !

Proposition d’organisation individuelle et collective

« L’union fait la force ». En cette saison, nous avons le devoir de le mettre en application, sous peine de ne plus rien pouvoir contrôler. La lutte, quel que soit le matériel, si elle est uniquement pratiquée à l’échelon individuel, s’avèrera parfois insuffisante tant la prolifération est parfois forte en zones urbaines et périurbaines.

Pour ce faire, nous allons donc devoir « jouer » collectif si nous voulons limiter les impacts de ce fléau.
Attention, en 2021 il a été constaté une baisse de la pression du FA sur de nombreuses régions. Les épisodes météorologiques printaniers défavorables au maintien de la nidification du FA ont été nombreux l’an passé. Des journées successives un peu trop fraîches ou trop pluvieuses en ont été les causes majeures. Ne nous réjouissons donc pas trop vite en pensant que cette amélioration puisse être durable, ce ne sera pas le cas, la Nature reprend bien vite ses droits.

Comme nous l’avons fait dans les articles parus dans les numéros de la revue en 2021, avec le soutien en interprétation scientifique du travail de terrain de deux de mes fi ls écologues, il est utile de rappeler ici les principes d’organisation de la lutte individuelle et collective.

1 – Lutte individuelle / Protection des ruchers

Tout d’abord, chaque apiculteur doit protéger ses ruchers dès le printemps, en prévention.
Le rucher, quelle que soit son importance, est un véritable aimant, car toutes les reines FA du « coin » ou de « passage » s’y retrouvent pour s’y alimenter. En effet, les ruches diffusent les effluves très importants du miel qu’elles contiennent. Ensuite, les déchets sucrés composés de brisures de cires et de miel cristallisé, issus de la consommation par les abeilles en hiver, s’accumulent sous les ruches en passant au travers du plancher,
généralement grillagé.

Rappels pour la mise en œuvre du BCPA

Pour protéger son rucher efficacement et préventivement de l’installation des nids de FA en les limitant au plus petit nombre, la pose des pièges doit se faire tôt en saison. Cette année, les premières captures de reines de FA qui viennent justement consommer ces déchets ont eu lieu dès la mi-février dans le Sud de la France. L’appât doit être isolé de la cage de capture par un fi n grillage pour éviter des noyades et des problèmes
sanitaires éventuels, liés aux visites des abeilles.

Important : une ruchette ou une ruche morte découverte contenant du miel sera à fermer, puis à retirer immédiatement. Il faut éliminer ce type de concurrence « déloyale » si vous souhaitez que vos BCPA fonctionnent. Ceci est d’autant plus important si la ruche morte était déjà visitée par des FA. Si c’est le cas, disposer le BCPA en lieu et place de celle-ci, dans cette situation les captures vont s’enchaîner.
Le BCPA doit être surélevé autour des 80 cm pour s’affranchir des prédateurs et pour rendre les contrôles plus aisés.
En campagne, un seul BCPA XL par rucher est très souvent suffisant, mais les moyens à mettre en oeuvre sont très dépendants de la pression locale du frelon. En cas de très forte pression, la pose d’autres BCPA (de votre fabrication ou pas) peut s’avérer nécessaire.
Le début de printemps est donc la période primordiale car, à leur émergence, les reines sont sujettes à une vraie boulimie glucidique. Des expérimentations menées sur des reines capturées sur un appât plus que conséquent m’ont permis, après marquage, de constater qu’une reine revenait « faire le plein » toutes les deux heures en moyenne.

Un appât efficace : il faut garnir le bac inférieur du BCPA avec générosité au moyen d’un appât performant.
Les brèches issues de cadres broyés contenant de préférence du miel cristallisé apparaissent être la meilleure option. Le miel de lierre étant un mets d’exception sur le plan de l’attractivité et de tenue dans le temps. Lors de l’utilisation d’un appât contenant de la cire, il est déconseillé de disposer un toit translucide car les températures peuvent monter assez haut, au point de faire fondre la cire et le miel, ce dernier se retrouvant prisonnier
sous une couche de cire qui aura durci. En revanche, si vous utilisez un appât liquide, un toit translucide favorisera la diffusion d’effluves.
Le rucher est le lieu le plus favorable au piégeage préventif (et curatif s’il en était encore besoin). Le grand rayon d’action du BCPA XL est dû à la grande quantité d’appâts qu’il peut contenir et c’est, pour cette raison, qu’il est le modèle préconisé pour l’apiculture. Il est à poser sur l’arrière du rucher et au centre de celui-ci.
La capture de quelques dizaines de reines a pour effet d’éviter l’installation d’un nid suffisamment près du rucher pour que des ouvrières viennent s’y servir l’été venu. Il ne sera pas nécessaire de vouloir tuer les frelons présents dans la cage de capture, privés de nourriture, leur survie se compte en heures après leur capture.

Important : le BCPA est préventif à ce titre, il est calibré très précisément pour la capture des reines du FA.
Grilles de sortie des insectes non ciblés : les grilles latérales ne sont pas de simples grilles à reine d’abeilles qui ne sont filtrantes que pour des insectes de taille inférieure ou égale à l’abeille. Pour que cette sélection puisse se produire, le BCPA est doté de dépouilles ; ces ouvertures oblongues et évasées vers l’intérieur pour faciliter la sortie des insectes de taille inférieure à l’ouvrière du FA.
Un calibrage au 1/100ème de mm du réducteur d’entrée a été réalisé par test de neuf reines de FA.
L’été, le calibrage du réducteur d’entrée ne permet plus la même rigueur sélective car des ouvrières du frelon européen et d’autres espèces peuvent entrer, car calibrées de façon identique à une reine de FA. D’où la nécessité d’une attention toute particulière qui doit être portée au BCPA si vous l’utilisez durant cette période.
Si vous ne constatez plus de capture de FA en début d’été mais que celle d’autres espèces a lieu, retirez le BCPA et reprenez le piégeage à la moindre attaque, et de toutes façons en septembre pour collecter les jeunes reproductrices déjà émancipées et/ou des ouvrières provenant de nids plus éloignés.

Un impératif : aucun autre piège, d’aucune nature que ce soit, ne doit être installé dans l’environnement d’un BCPA à cause des niveaux d’attractivité qui pourraient être très différents.
En effet, tous les pièges translucides chauffent rapidement et produisent un effet de serre propice à la diffusion des effluves mais en contrepartie impactent la santé des insectes capturés quels qu’ils soient et, reconnaissons-le, ne sont que très aléatoirement « sélectifs » et peu durables.

Certains expérimentateurs parmi les plus « représentatifs » du monde apicole ont omis de prendre en compte ces paramètres essentiels pour conclure à une insuffisance de sélectivité et un manque d’efficacité (en rapport du transparent) en n’ayant testé le BCPA, en compagnie de « bouteilles », qu’à partir de l’été.
Des rapports « d’expertise » ont été publiés dans ce sens sans avoir pris en compte ni respecté simplement le mode d’emploi fourni avec tout matériel distribué.

Si nous avons décidé de ne pas rendre le BCPA translucide et au détriment d’un pourcentage de perte d’attractivité, c’est pour éviter que les petits insectes n’y restent prisonniers car l’omniprésence de lumière ne leur permet plus de retrouver rapidement la sortie, s’épuisent trop facilement et pourraient devenir des proies opportunistes du FA présent. Toutefois, ce phénomène est beaucoup moins marqué en l’absence de
nourriture sucrée disponible pour le FA.

Un grand format pour plus d’attractivité

Cette relative perte d’attractivité, nous l’avons compensée par le développement du BCPA XL de grande dimension, recommandé pour la protection des ruchers et pouvant accueillir le double d’appât sur une surface de 40X60cm. Notre modèle Standard (BCPA std) dédié à une protection territoriale plus restreinte, vient d’être équipé de déflecteurs latéraux afin d’accentuer son attractivité et d’un couvercle sécurisé équipé d’écrans de contrôle facilitant l’inventaire de la cage de capture sans devoir l’ouvrir. Cette version prototypale du BCPA std nommé « Dumbee », présenté en photos dans l’article de février devrait être disponible dans quelques semaines. Pour accentuer encore le passage d’air et donc des effluves, il peut être utile de disposer un plan incliné du sol jusqu’à la base des MAS.

Un « Brise-vue » du réducteur d’entrée, clipsable sur ce dernier, sera intégré à la fabrication lors de l’injection des pièces du MAS et qui permet d’éviter toute sortie intempestive du FA anciennement constatée.

Rappel très important : tout BCPA doit être couvert par un toit très largement débordant, (d’au moins 15cm tout autour mais surtout en façades), même si vous utilisez un couvercle coiffant à la taille du bac supérieur. Il s’agit de protéger votre matériel contre les intempéries pour préserver l’appât, de le rendre le plus durable possible et de canaliser au mieux les effluves.

2 – « Jouer » collectif

Aucune mesure ne sera suivie d’effet sur le terrain, si elle est trop complexe ou rendue trop « administrative » par un nombre de documents trop importants à renseigner ou de méthodes qui n’ont pas apporté les preuves d’efficacité. Celles-ci sont du ressort de la recherche scientifique (RC), car la lutte contre le FA, en regard de la législation actuelle, reste volontaire. Une fois expérimentée et testée par la RC, une méthodologie incluant
lutte préventive et curative ciblée en complément, pourrait être proposée.

La lutte préventive collective

Dans la pratique, et afin de créer un maillage suffisant d’un territoire et assurer au mieux la protection de celui-ci, plusieurs dispositions peuvent être prises.

– En premier lieu, rechercher où se situe la responsabilité dans la lutte contre les « nuisibles ». Il peut s’agir de la commune ou de la communauté des communes (EPCI) qui assume le plus souvent cette compétence.
– À charge de l’EPCI de chercher un correspondant « référent frelon » (RF) volontaire par commune qui conduira l’ensemble des actions requises sur son territoire. Dans la majorité des cas, il s’agit d’un apiculteur ou d’un employé communal.
– Les lieux qui ont porté des nids les années précédentes sont les lieux à privilégier pour la pose d’un BCPA. Son installation doit se faire chez un particulier pour éviter les vols
et les dégradations déjà constatés sur des territoires lorsque celui-ci est positionné dans un lieu public. Les emplacements à privilégier sont tout d’abord les ruchers, puis à proximité des arbres ou arbustes fleuris (ex : camélia à fleurs simples) attractifs pour les insectes ou le composteur.
– Des volontaires au piégeage seront recherchés sur ces lieux requis pour effectuer le suivi et l’inventaire des captures qui seront transmis au RF communal, à une date défi nie par lui. Tous les apiculteurs de la commune doivent en être partie prenante.
– Les BCPA doivent rester la propriété de l’institution qui les a acquis car des citoyens piégeurs peuvent ne plus souhaiter s’engager l’année suivante ou peuvent déménager. Ils seront restitués en fi n de saison aux ateliers communaux, et reconditionnés.
– Il est important de ne jamais laver un BCPA afin de conserver les molécules olfactives qui seront un atout supplémentaire la saison suivante.
– Pour rendre ce plan le plus collectif et efficace possible, sollicitez et impliquez vos élus de proximité, vos maires, le président des maires, le président du Département et de la Région qui pourraient apporter un soutien en matière de communication et peut-être budgétaire.
– La lutte préventive doit prévaloir sur la destruction des nids qui doit devenir marginale.
– Il est inutile de penser que l’on va réduire drastiquement le nombre de nids dès la fi n de première année. En effet, il sera nécessaire de réajuster et de compléter, le cas échéant, le dispositif en cas de découverte de nouveaux lieux portant un nid. Le plan de lutte devra se pérenniser d’année en année et prendre son rythme de croisière.
– Nous détaillons tous les éléments techniques sur un document nommé « Proposition de plan de lutte collectif et préventif », téléchargeable à l’onglet Documents du site Internet Jabeprode.fr et restons à votre disposition pour vous accompagner dans la démarche. L’EPCI de Landerneau/Daoulas et la ville de Biarritz sont les premiers à expérimenter le matériel et la méthode.

Réseaux sociaux
Un groupe d’échange et de recherche participative Facebook est dédié exclusivement aux utilisateurs du BCPA ou des MAS. Il se nomme « Les chasseurs de frelons au BCPA Jabeprode ».
Venez partager vos expériences et nos connaissances.

 

Fiche pratique piégeage préventif de printemps – Piège sélectif Jabeprode

  • Mise en place : dès le mois de mars
  • Emplacement : près des ruches ou proche d’un lieu ayant accueilli un nid de FA
    Hauteur : 0,80 m du sol
    Ne pas mettre d’autres types de pièges non sélectifs
  • Appât : mélange opercules avec miel en bonne quantité
    Recouvrir sur deux centimètres le fond du piège.
  • Montage : respecter les deux étages, bien les séparer par un grillage à mailles fines
    – Étage inférieur : appât
    – Séparation : avec du grillage à fines mailles pour empêcher l’accès des insectes à l’appât
    – Étage supérieur : chambre de vol piège
    – Toit du piège : faire déborder largement la toiture sur les 4 côtés pour protéger l’appât de la pluie
  • Entretien du piège : ne pas vider le piège des frelons déjà attrapés. Ils attirent leurs congénères.
    Ne jamais laver le piège pour y conserver les phéromones
  • « Proposition de plan de lutte collectif et préventif », téléchargeable à l’onglet Documents du site Internet Jabeprode.fr