par Bernard LAMIDEL – Président de la F.N.G.T.A.

 

Dans le numéro de février 2020 de L’Abeille de France, nous avons découvert les travaux de l’ « Atelier Frelon du Groupe de Compétences de la F.N.G.T.A. ». Dix mois plus tard, il est temps de faire le point et de chercher à savoir si nos chercheurs-expérimentateurs ont progressé. Pour moi qui suis tenu informé en permanence de leurs réussites et de leurs difficultés, c’est chaque fois un émerveillement renouvelé à la lecture de leurs mails, et je remercie le Conseil d’administration du S.N.A. et son Président Frank ALÉTRU de m’avoir permis de créer et de manager à distance ces équipes de passionnés qui ne comptent pas leur temps pour aider les apiculteurs et qui au fil du temps sont devenus des amis.

Découvrons maintenant le chef de projet Originaire de Valenciennes, comme CARPEAUX, Bernard BARROIS est aussi un artiste dans son domaine, notamment parce qu’il ne se laisse pas enfermer dans le carcan des évidences. Ayant fait du calcul scientifique et de l’informatique de gestion, après 33 ans de carrière, il peut, m’a-t’il dit, « enfin faire des trucs rigolos sur la base d’Arduino, d’ESP32 ou de Raspberry, avec ses copains ». Il a développé des projets divers et variés comme les combats de robots, la synchronisation de spectacles vivants ou encore la brouette à assistance électrique. Maintenant il a une ruche chez lui, et comme nous tous, il trouve cela très instructif.

L’équipe : Forte de plus de 15 personnes réparties dans l’Hexagone, il n’est certes pas utile d’en faire une énumération, en revanche il est beaucoup plus intéressant de présenter la carte heuristique du projet, carte qui vous en apprendra bien plus sur le fonctionnement de cet atelier (cf figure 1).

 

Où en était-on en décembre 2019,lors du SimApi en Avignon ?
Le noyau de l’équipe, à savoir Bernard BARROIS, Christian PETER et Michel LEHMANN, nous a présenté un « simple » module permettant l’enregistrement des sons en provenance de l’intérieur et de l’extérieur de la ruche, le D.A.F.A. (Détecteur Acoustique de Frelon Asiatique). Il comprenait notamment une clé USB pour enregistrer les données et un micro numérique. Une voie permettait l’enregistrement des sons intérieurs, l’autre les sons extérieurs. De là était née l’idée de développer un dispositif d’attaque de frelons, avec :
– d’abord un but d’alerte de l’apiculteur,
– ensuite de riposte aux attaques du frelon.

Cela permet de valider la présence du frelon asiatique et d’enrichir une base de données photographiques de celui-ci, initiée par Jody NOURY, pour créer une I.A. (Intelligence Artificielle) développée par Jérémy FANGUEDE. Le D.A.F.A. est associé à une merveille de technologie : un ESP32-CAM qui fournit la puissance de calcul nécessaire et pilote l’enregistrement du signal ainsi que la photo du prédateur, devenant ainsi le D.A.VI.VEL (Détecteur Acoustique VIdéo de vespa VELutina).
Bernard fabrique, bien sûr avec l’aide de son ami Michel LEHMANN, 9 de ces Détecteurs Acoustiques et Visuels qui vont partir aux quatre coins de la France. Et dès les premiers essais, c’est le succès, ce qui permet à Bernard BARROIS, tel ARCHIMÈDE dans sa baignoire, de crier : « Ça fonctionne » lorsqu’il reçoit les premières images et les sons des frelons envoyés par Vincent BLEY. Oser dire que c’était simple et facile est le privilège des génies et nous nous réjouissons chaque jour qu’il fasse partie de notre groupe de travail FNGTA.

Où en sommes-nous maintenant ?

Comme vous vous en doutez, il n’est pas question de vous relater toutes les recherches et expérimentations techniques qui ont conduit à la réussite de la deuxième phase du projet, ne serait-ce que parce que depuis le SimApi, nos travaux excitent la curiosité d’abord de suédois, et maintenant de belges.
Un frelon étant détecté par le D.A.F.A., il reste à le photographier, notamment lorsqu’il est en vol stationnaire.
Le dispositif initial détecte un frelon sur la base des fréquences émises lors de son vol stationnaire. Le principe est simple : on écoute en continu via le microphone, on traite le signal par transformée de Fourier et si le son correspond aux fréquences attendues, après comptage de 5 signaux positifs en moins d’une seconde pour prendre en compte le vol stationnaire, le système prend alors la photo qui est enregistrée sur une carte mémoire (cf. photo 2).

 

Grâce à une remarque pertinente de Jean-Claude CORRE : « Puisque vous savez que le frelon est là, vous n’avez plus qu’à le localiser ! », alors la recherche, orientée d’abord vers des algorithmes embarqués d’Intelligence Artificielle de reconnaissance visuelle, bascule vers beaucoup plus simple : la localisation du frelon sous forme d’un objet sombre sur une photo.
Là encore c’est son sens artistique qui, s’opposant à son esprit scientifique et cartésien, permet à Bernard BARROIS, et d’une façon tout-à-fait contre-intuitive, d’utiliser le « flou » en photographie à la place de l’augmentation de la résolution, pour placer une tache de lumière sur la cible (cf. photos 4.a et 4.b).

 

 

Le frelon étant ainsi repéré sur la photo, puis, grâce à la puissance du microprocesseur et à l’ingéniosité de nouveaux interlocuteurs pertinents contactés sur des sites spécialisés, il ne reste plus au tireur qu’à engager la riposte pour l’éliminer.
L’année 2020 nous a permis de vérifier qu’une détection simple était possible. Il est envisagé de fabriquer une version améliorée qui pourra servir à tout matériel de riposte. Bien entendu cette troisième partie du projet sera aussi entièrement automatisée et fera l’objet des travaux de l’équipe en 2021.
Attendront-ils le « retour béni des frelons » pour poursuivre leurs recherches et leurs essais ?
Eh bien non ! car en Alsace, ne disposant pas encore de frelons asiatiques, Michel LEHMANN a cru bon de créer un faux frelon avec un micromoteur, un bouchon et une paire d’ailes de frelon mort (cf. photo 5), ce qui va permettre de peaufiner les armes de riposte pendant la trêve hivernale.

L’avenir : la riposte
L’objectif est maintenant de créer un dispositif à placer en surplomb de l’entrée de la ruche et ayant dans son cône de visée de 30° une plaque de couleur claire et uniforme.
Le but de la riposte pourra être d’éloigner le frelon, de le chasser, de le tuer, voire de le faire prisonnier.
L’efficacité de la riposte nécessitera soit un simple filtre « homodyne » (fondé sur l’analyse d’une seule fréquence, consécutivement à une discussion avec Davide FUGAZZA), soit une analyse visuelle plus poussée pour certaines « armes ».
L’imagination des apiculteurs n’ayant pas de limites, nous examinerons bien entendu la faisabilité de toutes les propositions reçues et à recevoir. Dans un premier temps nous privilégierons la lumière –cohérente ou non -, les ondes de diverses fréquences, les sons, les jets de liquides divers, les jets de solides divers et enfin le filet de capture afin d’équiper le captif d’une balise à définir, pour le relâcher et le suivre jusqu’à son nid.
En effet tuer les frelons un à un, c’est bien, mais détruire son nid, surtout au printemps, c’est mieux !

Nos espoirs
Ils reposent sur la motivation sans faille de nos chercheurs qui sont tous adhérents de la FNGTA, qui travaillent sans moyens financiers à la différence des équipes officielles , qui poussent même l’honnêteté et la solidarité jusqu’à payer de leurs deniers les prototypes qu’ils testent. Nous avons donc espoir que, pour la saison prochaine, un prototype de riposte, d’un faible coût et peu gourmand en énergie, sélectif, pourra être testé sur plusieurs ruchers de France.
Merci donc à eux tous d’ « Aider les Apiculteurs à Sauver les Abeilles », comme le font les étudiants engagés dans les vingt équipes candidates de notre Challenge Électro-Apicole 2020 – 2021.

 

Article paru en janvier 2021 dans l’Abeille de France.