Bernard LAMIDEL – Président de la F.N.G.T.A.
Le Groupe de Compétences mis en place par la F.N.G.T.A. a plusieurs fers au feu et l’un de ses ateliers prioritaires reste la lutte contre varroa, même si Vespa velutina n’est pas oublié comme vous le verrez dans un article ultérieur. Lors du Congrès de Rouen, en 2018, Claude SELLIER, membre de la FNGTA mais aussi Président de l’Union Syndicale des Apiculteurs Picards, nous avait présenté son prototype de plateau solaire permettant, à l’aide des seuls rayons du soleil, de porter la température de la ruche à 47 °C – nécessaire pour agir sur varroa – en plus d’une heure. La montée en température étant lente, notamment à cause de l’opposition des abeilles à la transformation de leur habitat en sauna, la majorité des varroas, dans et hors couvain, n’y résiste pas. Cette réalisation simple et efficace, puisqu’il lui fallait simplement un double vitrage, une tôle et un moyen de mesure de la température interne de la ruche, sans avoir à transvaser les cadres dans une autre boîte, lui valut le troisième prix du Concours de l’Innovation.
Fort de cet encouragement et des critiques justifiées à l’égard de ce procédé chronophage (puisqu’il faut rester à proximité de la ruche et arrêter l’insolation lorsque la température atteint 47 °C), il s’attela immédiatement à régler ce problème et à automatiser la fermeture d’un rideau pour occulter le double vitrage. Début décembre 2019, lors du SIMAPI en Avignon, c’était chose faite et je pus en faire la démonstration devant les nombreux apiculteurs qui avaient envahi le stand. La solution adoptée par Claude SELLIER consistait en un système de fils, actionné par un moteur, qui tirait automatiquement un rideau noir lorsque le thermostat ajouté lui en donnait l’ordre (cf. photo 1).
Devant les difficultés rencontrées parfois par le moteur pour enrouler les fils sans les mélanger, au retour d’Avignon, je lui suggérai alors d’inverser l’ordre des facteurs, et au lieu d’enrouler les fils, de dérouler le rideau, sans moteur, à l’aide d’un contrepoids mû simplement par la force de gravité.
L’idée germa dans le cerveau de Claude pendant les six mois où il fut confiné dans son atelier, et le 14 septembre, il me dit : “C’est pour demain mardi après-midi, il va faire très beau. Nous allons faire les essais.” Et il tint parole : il fit très, très chaud, et à 47 °C, le thermostat donna l’ordre à l’aimant de ne plus retenir le contrepoids, en cessant de l’alimenter en énergie.
Et aussitôt, devant nos yeux émerveillés, le rideau descendit dans un grand silence, dernier acte de ce challenge réussi (cf. photo 2).
Mais était-ce vraiment le dernier acte de notre projet de recherche appliquée ? Non, car au cours de nos 3 ans d’expérimentation, nous avions constaté la difficulté rencontrée pour arriver aux 47 °C fatidiques, vu que, tout naturellement, les ouvrières luttaient contre cette température anormale dans la ruche. C’est là qu’interviennent deux acteurs majeurs de la FNGTA, Bernard BARROIS qui vous a présenté son détecteur acoustique de frelons lors du SIMAPI, et Nicolas DEBONNE, jeune espoir de la FNGTA. J’avais besoin de connaître la température en trois strates différentes de la ruche afin de bien comprendre le phénomène et d’y remédier, mais aussi de faire d’une pierre deux coups, à savoir pouvoir connaître cette température tout au long de l’année, chaque fois que je le désirai à l’aide d’un simple interrupteur : mon but étant de m’enquérir de l’état de santé de mon animal en fonction de sa température, sans le déranger, à l’image des portiques dans les aéroports.
En deux temps, trois mouvements, Bernard BARROIS me réalisa donc un “module de régulation thermique” qui affiche en continu et successivement les températures en bas, au milieu et en haut de la ruche (cf. photo 3a) et qui est capable, en même temps, d’arrêter la fourniture d’énergie électrique :
• à l’aimant du plateau de Claude SELLIER, ce qui entraîne la fermeture du rideau d’occultation du couvre-cadres solaire,
• au plateau chauffant électrique de Nicolas DEBONNE et aux ventilateurs associés, lorsqu’un endroit quelconque de la ruche atteint les 47 °C (cf. photo 3b) .
Le 15 septembre, nous avons donc, en plus du couvre-cadres solaire, placé la ruche sur le plateau de Nicolas, plateau équipé de ventilateurs installés de telle façon qu’ils respectent les observations notamment de Thomas SEELEY* . Et là, une fois les ventilateurs mis en marche, nous avons constaté une température répartie harmonieusement dans l’ensemble de la ruche.
Notre problème a donc été résolu par la synthèse de deux approches énergétiques et par la collaboration de quatre chercheurs-expérimentateurs de la FNGTA. Nous travaillons actuellement sur un prototype qui alliera l’énergie solaire à l’énergie électrique afin de n’être pas entièrement dépendant des conditions climatiques, mais néanmoins de profiter des apports gratuits du soleil.
Après des essais sur un nombre de ruches plus conséquent, nous serons en mesure de proposer trois versions du dispositif : solaire seul, électrique seul et un mixte solaire-électrique.
Un article ultérieur vous donnera plus de détails sur le système électrique, entièrement automatisé de Nicolas DEBONNE.
* Thomas SEELEY , “La Démocratie chez les Abeilles” Ed. Quae.
Article paru dans le numéro d’octobre 2021 de l’Abeille de France