Edito de Frank ALÉTRU, Président du Syndicat National d’Apiculture et de l’Association des Apiculteurs professionnels européens (EPBA)
Résistance et victoires

Après le choc subi par les apiculteurs, il y a une vingtaine d’années, en constatant la destruction massive répétée de leurs colonies par les insecticides néonicotinoïdes, c’est dans un réflexe de survie inouï qu’ils se sont engagés dans un long combat, qui aux yeux de bon nombre paraissait fou et perdu d’avance. Le petit peuple des apiculteurs de France, grâce à l’unification des forces syndicales apicoles du moment, osait affronter les géants mondiaux de l’agrochimie !
Courage et résistance, voilà les deux vertus de l’apiculteur moderne.
– Courage, bien sûr, pour faire face au travail important que nécessite l’élevage des abeilles dans un contexte environnemental compliqué et agressif.
– Courage surtout pour faire face aux pessimistes, aux vaincus d’avance.
– Courage toujours pendant que d’autres, opportunistes, ne prennent aucun risque et restent passifs devant l’opposition pourtant nécessaire et se contentent de gérer leur « boutique ».
– Courage encore pour continuer la lutte qui a mené et mènera les apiculteurs vers d’autres victoires indispensables pour la préservation de la biodiversité.
Car c’est cette farouche et honnête résistance, accompagnée d’une rébellion légitime et d’une combativité de tous les instants, qui sont les composantes garantes du droit retrouvé, permettant aux apiculteurs de remporter plusieurs victoires ces dernières années, et de sauvegarder les élevages apicoles.
– Victoire en obtenant tour à tour l’interdiction des différents insecticides néonicotinoïdes.
– Victoire en exigeant pour les miels d’importation conditionnés en mélange l’obligation d’un étiquetage réellement informatif pour les consommateurs, précisant les pays d’origine des miels.
– Victoire avec la révision de l’arrêté « Abeilles » en obtenant l’interdiction de pulvériser des pesticides sur les cultures en fleurs, ou lors des exsudations de miellat en présence de pollinisateurs, ceci quelles que soient les familles de pesticides.
Aussi, je profite de cet éditorial pour lancer un appel solennel, car pour mener ce combat nous devons être nombreux dotés de caractère fort, capables de critiquer, de lutter afin que la justice et le respect des apiculteurs et de l’apiculture retrouvent leurs places. C’est un appel général, y compris vers la nouvelle génération qui ne doit pas rester passive. Un renouvellement des forces vives approche et s’imposera bientôt dans nos rangs. Il nous faut l’anticiper, pour avoir le temps de former et d’informer. Chaque apicultrice et chaque apiculteur doit se sentir concerné, et doit s’impliquer au sein de son syndicat départemental ou association. Il en va de l’avenir de notre filière ainsi que de la protection des pollinisateurs. Les sujets ne manquent pas :
– Révision du cahier des charges des autorisations de mise sur le marché des pesticides vis-à-vis des pollinisateurs ;
– Soutien au développement d’une agriculture durable ;
– Lutte contre les fraudes et les adultérations du miel ;
– Poursuite et intensification de la lutte préventive collective contre l’expansion du frelon asiatique ;
– Amélioration du marché du miel et normes ;
– Plan national pollinisateurs 2021-2026 ;
– Plan stratégique national 2021-2027.
Nous devrons accorder aussi la plus grande attention à la gestion en bonne intelligence du dossier relatif à la mise en place des conservatoires de l’abeille Noire.
Nous devrons également avoir la plus grande vigilance sur le nouveau cadre réglementaire concernant la délicate et difficile attribution d’une mention « bio » honnête et transparente pour le miel.
Il nous faudra éviter le piège qui consiste à laisser penser que la responsabilité de la diminution de la faune pollinisatrice incombe aux abeilles mellifères de nos ruchers ! Quelle audace et malhonnêteté intellectuelle. Les pollinisateurs sauvages ne sont pas victimes de la compétition avec nos abeilles. La faune pollinisatrice sauvage est victime en tout premier lieu de la dégradation alarmante de la qualité de l’environnement, de la disparition de leurs zones de refuge et de leurs habitats et bien sûr du dérèglement climatique. Les apiculteurs reconstituent leurs colonies détruites à force de travail. Mais qui se charge de ce travail pour la sauvegarde des populations sauvages ? Qui se charge de leur apporter de la nourriture en période de disette ou de froid et de leur aménager un habitat ? Personne. Il est bien plus facile d’accuser l’apiculture et d’expulser les ruches des zones naturelles, plutôt que de prendre à bras le corps les véritables problèmes et d’affronter les vrais responsables.
Ne nous laissons pas malmener ! Les fêtes de fin d’année arrivent, qu’elles soient propices à vous ressourcer, et à profiter en toute sécurité sanitaire de vos proches.
Joyeuses fêtes à toutes et à tous.

Pour plus d’informations consultez le site de l’Abeille de France