Alertes : surmortalités hivernales
Depuis plusieurs semaines parviennent au SNA de très nombreux témoignages d’apiculteurs constatant des pertes pouvant atteindre 80% des colonies, des ruches totalement vides d’abeilles avec des réserves de miel et de pollen, ou parfois avec une poignée d’abeilles survivantes avec la reine et pas d’abeilles mortes apparentes. Des pertes dans des ruchers qui pourtant ont été surveillés et soignés par alternance de médicaments
vétérinaires avec AMM, tandis que leurs propres ruchers voisins, distants de 800 mètres disposant du même bol alimentaire et des mêmes traitements, ne subissent pas plus de 7% de pertes avec de belles colonies bien développées et saines. Les comptages de varroas effectués à l’automne dans les deux ruchers démontrent que la pression des varroas avait été maîtrisée avant la mise en hivernage. Ces désolantes situations
se constatent quels que soient les itinéraires de traitements avec AMM et les alternances de matières actives mises en place et en zones de plaine, de bocage, de montagne, tout
autant qu’en zones urbaines.
Quelles leçons pouvons-nous tirer de telles situations survenant chez des apiculteurs chevronnés et rigoureux qui n’ont jamais connus de telles pertes ?
Tout d’abord qu’il y a des situations et des contextes qui font que ces pratiques sanitaires rigoureuses fonctionnent dans certains cas et qu’il ne faut pas les abandonner. Elles démontrent aussi que, malgré une surveillance sanitaire rigoureuse pour une mise en hivernage sécurisée, cela ne suffit plus et qu’il se passe quelque chose d’autre.
Une analyse des stratégies de lutte démontre que les seuils maximums de varroas n’ont jamais été atteints lors des comptages de fin d’été/début d’automne. Le constat principal concerne la longévité des « abeilles d’hiver » qui s’avère être raccourcie et ne leur permet plus de faire la jonction avec les premières naissances en fin d’hivernage, et peut résulter d’une charge virale trop élevée, même si nous avons parfaitement débarrassé nos abeilles des varroas avant la mise en hivernage.
Est-il encore nécessaire de souligner l’importance du contrôle constant de la varroase et d’adapter nos méthodes de lutte afin de limiter précocement le développement des maladies virales associées ? Pouvons-nous en déduire que le problème se déclenche plus tôt en saison, au moment du pic des populations de varroas ?
En effet, les pics de populations de varroas commencent lors des miellées de juin à fin août, après avoir libéré des bataillons de butineuses issus de belles surfaces de couvain, véritables nurseries pour varroas et surtout de virus opportunistes dont la « gamme » ne cesse de s’élargir et dont les conséquences ne sont pas systématiquement visibles à l’oeil nu. Il n’y a pas que le virus des ailes déformées, si facile à identifier ! Puisque les virus si opportunistes savent muter et s’adapter, il va nous falloir lutter beaucoup plus tôt en saison contre les varroas et imaginer des méthodes et des techniques permettant de maintenir au plus bas la charge virale à l’intérieur des colonies. Souhaitons que les laboratoires vétérinaires trouvent au plus vite la solution.
En conclusion : apprenons à lutter contre le varroa encore plus tôt et plus régulièrement dans le respect des récoltes de miel pour limiter au niveau le plus bas possible la charge virale très certainement responsable de ces pertes massives.
Frank Alétru
Président du Syndicat National d’Apiculture