Editorial de Frank ALÉTRU, Président du Syndicat National d’Apiculture, Président de l’Association des Apiculteurs professionnels européens (EPBA)
Il n’aura fallu que….

Dans mon précédent éditorial, j’écrivais que, malgré la nomination d’un nouveau ministre de l’Agriculture, mes espoirs de changement de politique agricole restaient très faibles. Je ne pensais pas à ce point voir si juste !
À peine nommés, nos deux jeunes nouveaux ministres de l’Agriculture et de la Transition écologique ont été chargés d’une “sale mission” : annoncer aux Français le retour des dangereux insecticides, les néonicotinoïdes.
Il a pourtant fallu lutter durant vingt années, marquées par les premières manifestations d’apiculteurs à la fin des années 90, d’études scientifiques menées par des chercheuses et des chercheurs courageux, d’expertises et de contre-expertises, de débats entre
parlementaires et de multiples réunions ministérielles pour faire admettre l’évidence et enfin obtenir, en 2018, leur interdiction.
Sous la présidence d’Emmanuel MACRON, réautoriser les néonicotinoïdes a été comme obsessionnel à chaque nomination d’un nouveau ministre de l’Agriculture et la première instruction donnée, systématiquement, dès leur prise de fonction. Jacques MÉZARD,
Stéphane TRAVERT et Julien DENORMANDIE n’y ont pas échappé.
Une mission qui, chaque fois, a entaché en cascade la parole et l’honneur du ministre de la Transition écologique et solidaire en place, conduisant même jusqu’à la démission Nicolas HULOT pour retrouver son intégrité. (Nous nous souvenons tous de ses paroles et de son
émotion lors de l’annonce de son départ.) La stratégie est toujours la même : nommer à la tête du ministère de l’Écologie une personnalité qui a la confiance de la majorité des Français, puis, lui assigner une mission à l’encontre totale de ses convictions et de ce qu’elle avait défendu auparavant. Après Nicolas HULOT, c’est au tour de Barbara POMPILI de devoir renier, face aux Français, les valeurs qu’elle avait si bien défendues aux côtés des apiculteurs.
Il n’aura donc fallu que quelques mois d’investiture, en profitant de l’opportunité de la pleine saison apicole, pour faire passer cette décision tant attendue par le lobby de l’agrochimie et par une minorité d’agriculteurs “chimico-dépendants” aux manettes du syndicalisme agricole. Une décision prise sans aucune concertation préalable avec
la filière apicole. Une immense reculade en matière environnementale et sanitaire, qu’il n’est évidemment pas possible de tolérer.
Le retrait des néonicotinoïdes aurait dû être pour la filière betteravière l’occasion de se remettre en question, de faire évoluer ses pratiques vers une agriculture durable. Un délai de deux années avant l’application de l’interdiction (2016-2018) leur avait même été
accordé dans ce but. Hélas, la volonté de changer de paradigme estelle vraiment présente chez les dirigeants de cette filière ?
Inquiétante aussi, cette absence totale de concertation de la filière apicole par les ministres ! Révélatrice du mépris que porte ce gouvernement envers l’apiculture… Le SNA, l’Interprofession InterApi, Terre d’Abeilles et plus de 15 autres organisations sont
intervenues auprès des deux ministères concernés pour signifier leur indignation et solliciter un rendez-vous.
Une prochaine grande mobilisation de l’apiculture française, comme celle que nous avons sur organiser dans le passé, n’est sans doute pas à exclure.
Cet été, une fois de plus, les incendies ont dévasté les forêts du sud est de la France, et il n’aura fallu que quelques dizaines de minutes pour que les ruchers soient anéantis par les flammes sous les yeux des apiculteurs impuissants. Le système assuranciel du SNA intervient à bon escient pour indemniser les apiculteurs sinistrés.
Au conservatoire de l’Orne, c’est aux vandales/voleurs qu’il n’aura fallu que quelques dizaines de minutes à peine pour saccager le rucher et voler les colonies d’élite, fruits de longues années de patiente et sévère sélection. Des actes intolérables, pratiqués par
des connaisseurs. Nous appelons à la plus grande vigilance et à la surveillance des mouvements de ruches suspects. La FNGTA du SNA a pris le problème à bras le corps pour envisager des solutions techniques, à coût abordable, permettant d’assurer la protection des ruchers. Nous y reviendrons en détail.
En matière de transhumance des ruches, il n’aura fallu qu’une poignée de parlementaires – motivés par on ne sait qui (?…), pour déposer un projet de loi visant à confier la réglementation de la transhumance à… des conseils communaux ! Même si la transhumance massive peut poser parfois des problèmes, dans quelques secteurs, le SNA
s’est immédiatement opposé à cette proposition de loi, privilégiant plutôt des solutions de concertation, par le dialogue et le bon sens apicole, ainsi que par l’application des règlementations en vigueur, relatives aux transhumances en provenance des pays tiers de l’UE.
Au plan sanitaire, globalement, même si quelques intoxications ont été déplorées, il est important – notamment au regard de l’actualité, de signaler qu’il n’aura fallu que deux années d’interdiction des néonicotinoïdes pour constater et apprécier en France la nette
amélioration sanitaire du cheptel apicole.
La période des grandes miellées est maintenant terminée. Le bilan national dessinera une France coupée en deux. Mauvais temps pour certains et sécheresse pour d’autres auront compromis les espoirs de belles récoltes… même si les colonies se sont bien développées
cette année. Pour les autres, les récoltes seront parfois correctes et, pour quelques micro-secteurs, excellentes.
Côté consommateurs, il aura fallu l’arrivée de la pandémie COVID-19 pour que ressurgisse, tel un réflexe sanitaire, l’engouement pour la consommation du miel, produit naturel et alicament. Souhaitons que ce réflexe occasionnel devienne une habitude diététique pour le
bien-être au quotidien !
Bonne fin de récolte à toutes et à tous !


SOMMAIRE

4 INFOS PRATIQUES
5 EDITO Il n’aura fallu que… Frank ALÉTRU
6 Lettres ou vertes SNA & TERRE D’ABEILLES
“Bio”éthanol, face cachée du retour aux néonicotinoïdes ?
NON à la réautorisation des insecticides néonicotinoïdes !
8 LÉGISLATION
Une proposition de loi pour réguler le nombre de ruches sur un territoire ADF
10 REVUE DES REVUES
L’eau : l’élixir de la vie Cindy ADOLPHE
14 Recherche appliquée
Potentiel de l’ozone comme moyen de désinfection et de décontamination des rayons de cire et du matériel apicole Rosa María LICÓN LUNA
21 LA RUBRIQUE DU NÉOPHYTE
Reprise de nos activités François MOREAU
24 CONSEILS AUX LECTEURS Jean RIONDET
28 UN TEMPS D’AVANCE
Le mois d’après : octobre Jean RIONDET & Florent GUILLAUD
34 Technique et astuces
Élevage de reines sans picking aux seringues Dr Roland GERNER
38 Api -foresterie
Les tilleuls, les abeilles et le réchauffement climatique Yves DARRICAU
44 PLANÈTE MIEL
Analyse pollinique des miels – Les Campanulaceæ Paul SCHWEITZER
46 Parole à l’ITSAP Jacques COMBES, Cécile FERRUS
Focus sur les échanges de miels entre l’Union européenne et la Chine
Aluen CAP®, un nouveau médicament anti-varroa à base d’acide oxalique
52 RECETTES AU MIEL
Salade de courgettes, feta et miel Maurine DEVARIEUX
Cookies au miel, pépites de chocolat et noisettes Céline LAIR
54 PETITES ANNONCES
56 vie des structures apicoles
58 Images insolites © Bernard LYDÉRIC
59 LIBRAIRIE Géraldine PETIT
62 Bulletin d’abonnement