Edito de Frank ALÉTRU, Président du Syndicat National d’Apiculture et de l’Association des Apiculteurs professionnels européens (EPBA) – L’Abeille de France de septembre 2021

Dérèglement climatique et … dérèglement politique !

 

Sans surprise, le sujet qui alimente les conversations du moment chez les apiculteurs est le niveau calamiteux des miellées successives sur les trois quarts de l’hexagone cette année. Pour bon nombre d’anciens apiculteurs, c’est une des pires années pour l’apiculture depuis quarante ans. Des déceptions pour les récoltes de miel, mais aussi d’importantes difficultés pour les greffages et les fécondations de reines ainsi que de modestes productions de gelée royale. La faute au dérèglement climatique et aujourd’hui d’autres craintes s’imposent : quid de la constitution des réserves hivernales ? Il faudra compléter massivement les provisions. Quid des trésoreries ? Concernant le soutien économique aux exploitations apicoles, la demande d’éligibilité au régime des calamités agricoles a été signifiée par le Syndicat National d’Apiculture auprès du ministère de l’Agriculture. Maintenant, les demandes doivent être déposées par les syndicats apicoles départementaux auprès des préfectures et DDTM.
Et quid de la commercialisation du miel ? La crainte repose non pas sur les cours des miels de France qui augmenteront nécessairement compte tenu des faibles stocks, mais sur le fait que la faible production nationale va laisser une place encore plus grande aux miels d’importation dans les rayons des magasins et qu’il sera difficile de reconquérir. Aussi, pas question de baisser les bras, et pour maintenir le lien entre la filière apicole française et les consommateurs, InterApi, l’interprofession du miel, lance l’Api’Week du 19 au 25 novembre. Un évènement durant lequel tous les apiculteurs de France seront invités à ouvrir les portes de leur miellerie.

Mais il n’y a pas que le dérèglement climatique auquel nous devons faire face, nous nous trouvons sans cesse confrontés à autre fléau : le dérèglement politique !
Tandis que les consommateurs s’orientent chaque jour davantage vers des produits et des soins à base de produits naturels, la commission européenne agit à contresens. Elle projette une nouvelle réglementation qui pourrait toucher gravement les producteurs d’huiles essentielles dont les productions seraient assimilées aux « produits chimiques présentant une menace pour la santé et l’environnement » et devraient subir les mêmes contraintes en matière d’analyses et d’étiquetage !!! Pourtant, l’essence de lavande et de lavandin est utilisée sans danger depuis l’Antiquité. Les lavandiculteurs et autres producteurs de plantes aromatiques et médicinales sont donc très inquiets des dérives que pourraient engendrer l’application de ces mesures qui condamneraient définitivement cette filière, et impacteraient aussi gravement l’apiculture provençale en la privant d’une miellée principale. Pour toutes ces raisons, nous devons soutenir les lavandiculteurs et combattre l’ingérence de la bureaucratie bruxelloise en signant la pétition sur : https://www.change.org/p/commission-européenne-pétition-contre-la-disparition-des-huiles-essentielles-et-des-produits-naturels
Quant aux dirigeants nationaux qui ont osé voter l’autorisation de pulvérisation des pesticides à seulement quelques mètres des habitations, en ignorant les alertes de l’INSERM, ceux-ci devraient être démis de leurs fonctions ou mandat. En effet, il aura fallu un recours de Générations futures pour que le Conseil d’État inflige dans l’été un nouveau camouflet au gouvernement, en lui demandant de mettre en œuvre une réglementation véritablement protectrice des riverains et l’obligation de les alerter avant tout épandage.

Alors que les ventes de pesticides augmentaient de 23% en 2020, selon les chiffres du ministère de l’Agriculture et de l’Écologie, ces deux mêmes ministères ont accordé cette même année une tout autant irresponsable réautorisation des néonicotinoïdes pour l’enrobage des semences des betteraves sucrières, enclenchant une véritable marche-arrière en matière de protection des pollinisateurs. Cette décision bafoue les 20 années de
combat mené par les apiculteurs, d’études scientifiques, ainsi que le rejet de cette dangereuse famille de pesticides neurotoxiques témoigné par la majorité des citoyens. Une situation qui avait amené le précédent gouvernement à les interdire en 2018, plaçant la France comme le pays précurseur de la protection des pollinisateurs et amenant l’Union européenne à adopter l’interdiction de trois autres substances de la même famille.
Comme nous le constatons, l’État agit trop souvent à l’inverse des attentes des professionnels et de l’attente des citoyens.

Pour ceux qui en douteraient encore, il y a donc une réelle nécessité à être regroupés et à se syndiquer. La reprise des assemblées générales des syndicats apicoles départementaux affiliés en est l’opportunité. La nouvelle génération des apiculteurs ne doit surtout pas oublier, ni négliger cet engagement indispensable pour que les dérèglements politiques ne deviennent pas systématiquement la règle !

 

Plus d’informations sur  www.labeilledefrance.fr