Edito de Frank ALÉTRU, Président du Syndicat National d’Apiculture et de l’Association des Apiculteurs professionnels européens (EPBA)

Apis mellifica et les cinq prédateurs

Il y a presque un quart de siècle, lorsque les apiculteurs ont mené croisade contre les pesticides qui détruisaient massivement les colonies d’abeilles et les autres pollinisateurs, le rapport des forces économiques en présence ne donnait pas cher du sort réservé aux apiculteurs et à leurs ruchers. Mais, grâce à leur ténacité et à la qualité de leurs arguments étayés par des scientifiques courageux puis relayés par des médias honnêtes, les apiculteurs ont obtenu que ce combat devienne un des plus populaires en matière de défense environnementale chez les citoyens, en mettant régulièrement les politiques de toutes tendances face à des décisions à prendre qui demandent courage et détermination… Mais hélas, le tri a été sévère parmi eux.

Aujourd’hui, la filière apicole peut être fière d’avoir remporté de nombreuses victoires avec l’interdiction de plusieurs dangereux pesticides. Mais le combat n’en est pas pour autant fini. Il faudrait même plutôt dire, les combats.

En effet, même si l’Assemblée Nationale a voté à l’unanimité que l’Abeille serait la grande cause nationale en 2022, notre amie Apis mellifica doit, pour pouvoir survivre, affronter encore cinq prédateurs.

Le prédateur numéro 1 reste toujours l’agrochimie et les pesticides dont l’influence économique reste prépondérante sur les décisions politiques attendues en faveur de la protection environnementale. L’agence européenne EFSA a signalé au Conseil de l’UE, en 2013, que les conditions d’évaluation des pesticides étaient insuffisantes, et qu’une batterie de tests complémentaires pertinents devait être mise sur pieds. À ce jour, rien de sérieux n’a été proposé, mis à part les excellents travaux présentés par la France, avec notamment la validation par l’OCDE du test du retour à la ruche, obtenue grâce aux travaux de l’INRA, des experts du Groupe de travail « Méthodes-pesticides » et de l’ITSAP. Le Syndicat National d’Apiculture (SNA) va saisir l’opportunité de la présidence française du Conseil de l’Union Européenne pour exiger une accélération des prises de décisions concrètes permettant la mise en œuvre rapide de nouveaux protocoles d’évaluation.

Le second prédateur, on ne peut mieux le qualifier, est le Varroa jacobsoni destructor. Il exige un suivi régulier des colonies afin de mettre en œuvre les traitements au meilleur moment. Les derniers travaux scientifiques attestent de l’apparition de résistance
de quelques populations de varroas à certains acaricides. Des départements comme celui de la Vendée ont initié, depuis de nombreuses années, la lutte collective par alternance de matières actives qui permet de retarder l’apparition des résistances. Cette discipline de lutte collective a permis en quinze années de constater un doublement du nombre de ruches en Vendée. Cependant, il devient très urgent que de nouveaux médicaments acaricides ou autres modes de traitements de la varroase obtiennent leurs autorisations de mise sur le marché afin de mieux la maîtriser. La formation continue avec les formations Apinov/SNA, la multiplication des webinaires, les MOOC, les formations de la FNGTA et l’élévation constante du niveau des cours en ruchers-école ainsi que les formations de formateurs, contribuent par ces actions collectives à diffuser les bonnes pratiques apicoles et sanitaires.

La troisième marche du podium est occupée par le frelon asiatique Vespa velutina.
La lutte préventive et collective lancée par le SNA en 2021 a permis la diffusion de près de 50 000 modules coniques sélectifs de piégeage Jabeprode. La campagne est relancée pour 2022, et elle est couplée avec la mise en place par le SNA d’un vaste réseau de surveillance du petit coléoptère des abeilles « Aethina tumida » face à sa possible arrivée en France, en fournissant avec le soutien de votre revue « L’Abeille de France », la mise à disposition gratuite de 1 000 pièges à Aethina tumida adultes. Ils seront répartis sur le territoire selon une cartographie déterminée en fonction des opportunités d’introduction du coléoptère.

Très proches du podium, les voleurs de ruches et les fraudeurs de tous poils complètent à eux deux le top « 5 » des prédateurs des abeilles et de la filière apicole. Des vols importants nous sont déjà signalés. Aussi, plus que jamais, soyez vigilants. Pensez à marquer et à identifier vos ruches et votre matériel. Positionnez discrètement des caméras ainsi que des systèmes d’alerte et de suivi des ruches. Surtout, allez déposer plainte en gendarmerie, même pour le vol d’une seule colonie. Pour finir cet inventaire, il y a les fraudeurs sur le marché du miel : importation de miel adultéré, appellation d’origine trompeuse ou dénomination florale fausse, Interpol et Europol sont sur leurs pistes.
Dans les différentes luttes sanitaires, comme dans nos combats pour la préservation de l’environnement, n’oublions jamais que c’est en agissant collectivement que nous vaincrons !

 

Pour plus d’informations consultez le site de l’Abeille de France