Edito de Frank ALÉTRU, Président du Syndicat National d’Apiculture et de l’Association des Apiculteurs professionnels européens (EPBA)

La volonté politique et collective avant tout !

 

Une étude cosignée par 56 scientifiques « Protection agroécologique des cultures pour une agriculture durable » s’appuyant sur plus de 300 références bibliographiques, ainsi que l’expertise collective publiée par l’INRAe en octobre dernier confirment à elles deux que l’agroécologie appliquée à la protection de cultures permet une agriculture durable, productive, respectueuse de l’environnement, de la santé et rentable, sans l’usage des pesticides de synthèse. Les thèses prônant l’absence d’alternative font maintenant partie du passé. La sortie de l’agriculture du système actuel de production agricole a besoin maintenant d’un réel accompagnement technique et économique, le temps d’accomplir cette transition devenue inévitable. Dans sa récente enquête, la Cour des comptes a constaté que, dans tous les domaines, l’action du ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire ne permet pas de répondre aux ambitions environnementales affichées. La loi d’Orientation et d’Avenir Agricoles se devrait d’en tracer les lignes directrices et d’en être l’accélérateur. Ce n’est plus qu’une question de volonté politique !

Depuis plus de vingt ans, la filière apicole alerte, à tous les niveaux décisionnels nationaux et européens, de la mise en marché de miels frauduleux d’importations dans des quantités chaque année plus importantes. Enfin, une vaste enquête européenne menée chez les opérateurs importateurs et conditionneurs de miel en Europe vient de donner ses conclusions et a abouti au constat qui a confirmé nos inquiétudes. Plus de 40% des échantillons de miels importés analysés présentent des non-conformités et des suspicions d’adultération par ajout de sucres (lire le communiqué de presse du Syndicat National d’Apiculture sur son site internet).

Dans ce rapport, le terme « suspicion » est employé plusieurs fois car il n’y a pas d’accord entre les autorités et les intervenants sur le marché à propos de la pertinence de telle ou telle méthode d’analyse en laboratoire. En effet, un même échantillon de miel peut, selon la méthode d’analyse employée, donner pour certains miels (de lavande, par exemple) des résultats totalement contraires, à savoir pour un même échantillon : miel conforme et miel non conforme. Cette situation dure depuis des années, et l’on comprend vite que certains acteurs en mauvaise posture ont tout intérêt à rester dans ce flou scientifique et passent à travers les mailles de la justice en exploitant les oppositions technico-scientifiques des laboratoires. L’entrée massive de ces faux-miels déséquilibre totalement le marché du miel en France et aussi dans toute l’Europe. Les contrôles à l’importation devraient être plus nombreux et accompagnés de vraies sanctions. Les autorités vont-elles maintenant réellement décider de protéger les apiculteurs et les consommateurs ? Vont-elles enfin donner les moyens à la science et aux laboratoires européens de s’accorder sur un consensus à propos de méthodes d’analyses unanimement reconnues pertinentes, dont les résultats seront sans équivoque ? Disons-le, ce n’est plus qu’une question de volonté politique !

Les prédations massives dans nos ruchers et sur l’entomofaune du frelon asiatique ainsi que son expansion sur notre territoire et hors de l’hexagone font régulièrement la Une de nos journaux régionaux et des médias télévisés. Les questions écrites au gouvernement, posées par de nombreux députés et sénateurs, reçoivent toutes la même réponse de la part du ministère de l’Agriculture ou de la part du ministère de la Transition écologique. Une réponse qui démontre qu’ils n’ont toujours pas envisagé de solution, ni qu’ils sont capables de mesurer le terrible impact de cette espèce invasive sur la masse vivante de l’entomofaune. Un groupe de députés conscient de l’importance de ce problème a déposé à l’Assemblée nationale, en février dernier, un projet de loi en faveur d’une lutte d’envergure nationale prise en charge par l’État, que vous pouvez consulter sur le site internet du Syndicat National d’Apiculture et relayer auprès de votre député. Car disons-le, ce n’est plus qu’une question de volonté politique !

Dans l’immédiat et pour protéger nos ruchers et l’entomofaune victimes de ce terrible prédateur, ne restons pas inactifs. Lors de l’entretien que la directrice du secrétariat d’État à la Transition écologique a accordé à l’ONG Terre d’Abeilles et au SNA le 21 février dernier, celle-ci nous a confirmé que les projets de lutte collective pouvaient être financés par le « fonds vert ». Alors, ne restons pas dans l’attente, ne restons pas isolés face à ce problème. Dans chaque département, dans chaque région de France, il y a la possibilité pour nos syndicats départementaux d’être porteurs et initiateurs d’une lutte préventive et collective contre l’expansion du frelon asiatique. Il faut pour cela présenter en préfecture un projet et son budget réunissant, par exemple, une collectivité territoriale, une association de protection de l’environnement, d’autres associations concernées, et les citoyens. Disons-le, ce n’est plus qu’une question de volonté collective !
Si nous ne luttons pas ensemble, nous périrons ensemble.