Edito de Frank ALÉTRU, Président du Syndicat National d’Apiculture et de l’Association des Apiculteurs professionnels européens (EPBA)

Écologie et biodiversité victorieuses face à l’indifférence !

À Bruxelles, le 12 juillet dernier, le Parlement européen a adopté d’une très courte majorité un texte important en faveur de la poursuite du Green Deal qui génère un nouveau dynamisme pour la défense de la biodiversité et la « Restauration de la nature en Europe, le Pacte vert ». Pour obtenir cette victoire, il a fallu renoncer à de nombreux engagements, mais le pire a été évité car 80% du texte ont été maintenus. Pourtant, dans son rapport publié le 26 juin dernier, la Cour des comptes européenne alertait par ces mots : « Peu d’éléments indiquent que les actions entreprises seront suffisantes pour atteindre les objectifs climatiques ». Et Hoesung LEE, président du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), confirmait que : « Si nous agissons maintenant, nous pouvons encore assurer un avenir durable et vivable pour tous ». De leur côté, les scientifiques de l’ONU confirmaient dans leur rapport de synthèse de mars dernier : « qu’il existe des solutions réalistes et efficaces » pour réduire l’impact de la crise climatique et environnementale. Mais la façon dont une « presque majorité » des élus du Parlement opposés à ce texte souhaite orienter la destinée de notre planète se révèle en totale contradiction avec les alertes et les solutions proposées par le monde scientifique. Allant jusqu’à utiliser des passages en force institutionnels, ces élus rabotent constamment les espoirs d’un avenir meilleur et semblent indifférents aux conséquences négatives pour les générations futures. Considérons avec objectivité que ce résultat est une victoire car ce texte est le seul qui se concentre non seulement sur la protection de la nature mais aussi et surtout sur sa restauration !

La Commission européenne a proposé ce 05 juillet la révision de la solide directive en vigueur sur les OGM qui datait de 2021. L’objectif : assouplir les règles pour permettre à l’U.E. de s’engager sur le marché des « nouveaux OGM ». Mais qui sont ces nouveaux OGM ? Ils sont les fruits d’une nouvelle technologie et sont désignés par l’acronyme anglo-saxon « NGT » (Nouvelles technologies génomiques). Et pour qu’ils échappent à l’actuelle réglementation des OGM, c’est toute une propagande peu solide en faveur des NGT qui se répand à Bruxelles. Pourtant dès 2018, la Cour de justice de l’Union européenne confirmait que « les NGT sont bien des OGM » et, en mai dernier, le Conseil économique social et environnemental français concluait que « des connaissances sur les impacts sanitaires et environnementaux des NGT méritent d’être approfondies ». D’autre part, de nombreux scientifiques confirment qu’une évaluation systématique des NGT devrait avoir lieu avant leur mise en marché, tant que leur innocuité n’est pas démontrée dans le respect du principe de précaution. Et pour compléter, les agronomes lucides voient dans ce coup de force l’emprise sur des agriculteurs toujours plus dépendants des quelques entreprises multinationales qui contrôlent le marché des semences et des autres intrants. Cette vision inquiétante semble ne pas toucher, ni alerter la majorité des eurodéputés de la Commission européenne. C’est à nouveau l’indifférence des élus face aux possibles risques sanitaires et environnementaux qui nous inquiète !

Pour le présent apicole, nous vivons la période des dernières récoltes de miel, mais aussi celle du début de la prédation des ruchers par les frelons asiatiques. Cette année encore, ils détruiront des milliers de colonies en France et malgré les alertes répétées, rien n’est organisé au niveau des instances gouvernementales au prétexte d’un classement fantaisiste de l’espèce invasive dans une catégorie échappant à toute obligation de gestion de son extension. Le fameux « plan de lutte national » qui en matière de « lutte » n’en a que le nom, a fait « pschitt » comme prévu !
Face à ce problème récurrent s’affiche une indifférence de nos gouvernants proche du mépris !

Dans le même temps, certains, feignant d’ignorer l’impact meurtrier et dévastateur du frelon asiatique, accusent l’abeille mellifère « coupable » de la disparition de nombreuses espèces d’insectes pollinisateurs, et ils promotionnent de façon totalement irresponsable l’expulsion des ruches situées dans des espaces ou parcs naturels, ou dans certaines villes. Des décisions scientifiquement injustifiables ! Il est urgent que le gouvernement mette en oeuvre des actions efficaces, ambitieuses et concrètes en faveur de la restauration des populations de pollinisateurs et autres insectes en leur garantissant des zones d’habitat protégées ainsi que des ressources alimentaires durables, plutôt que de perdre du temps avec de multiples statistiques et relevés pour compter les « morts ». Inutile d’en rajouter, la situation est catastrophique, nous le savons trop bien maintenant ! L’indifférence n’a pas de place, les deux ministères concernés doivent agir de toute urgence !

En vous souhaitant un bon été et une belle récolte de miel, sans oublier d’intervenir en temps et en heure contre les varroas.

 

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