Edito de Frank ALÉTRU, Président du Syndicat National d’Apiculture et de l’Association des Apiculteurs professionnels européens (EPBA)

Peu importe le toxique, pourvu qu’ils gagnent du fric !

Nous avons tous constaté ces dernières années dans notre environnement, non seulement la perte de diversité au sein de l’entomofaune, mais aussi, par effet induit et pour des causes similaires, la diminution du nombre d’oiseaux.
Mais les pertes sont bien plus importantes que chacun pouvait l’imaginer, atteignant, en moins de quarante années, jusqu’à 60% des populations d’oiseaux dans les secteurs qui subissent directement les impacts négatifs d’une agriculture intensive. En effet, dans une récente étude réalisée par une cinquantaine de scientifiques européens, les causes responsables de l’effondrement des populations d’oiseaux en Europe ont été mises en évidence : telles que les pesticides pulvérisés qui contaminent leur alimentation et l’eau, ainsi que les semences enrobées de pesticides, sans oublier la réduction des zones d’habitats avec l’entretien excessif des haies, voire la disparition de celles-ci au rythme de près de 10 000 kilomètres par an depuis une quinzaine d’années.
Si l’eau est de mauvaise qualité pour les oiseaux, la diminution du niveau de potabilité de l’eau distribuée aux français est aussi constatée avec des résidus de pesticides à des niveaux toujours plus élevés et qui, compte tenu de la présence de ces toxiques, pourrait selon l’ANSES remettre en cause leur conformité sanitaire.

Tous ces constats alarmistes devraient une fois de plus mettre en alerte nos élus qui ont en main tous les outils réglementaires pour faire diminuer les causes de ces pollutions et contaminations multiples. Hélas, il n’en est rien, ou plutôt si, l’inverse ! Tels des irresponsables, une majorité de sénateurs et de députés préparent une immense reculade en matière de protection de l’environnement et de santé publique.
Au nom de la soi-disant protection de la « Ferme France », le choix entre les intérêts économiques et la protection de la santé humaine a été vite fait par ces parlementaires qui envisagent le retour de pesticides déjà interdits, et aussi une possibilité de réautorisation des épandages par voie aérienne, un retour en arrière impensable qui méprise totalement les risques évidents pour la santé humaine engendrés par ces toxiques qui contamineront l’air, la terre et le sol, au nom de la garantie des bénéfices, en suivant le raisonnement : « Peu importe le toxique, pourvu que l’on gagne du fric » !

Preuve de cette détermination à « tout prix », le Sénat veut aussi donner au ministre de l’Agriculture le pouvoir de ne pas respecter une décision d’interdiction d’usage d’un pesticide prononcée par l’ANSES dont la mission première est bien d’évaluer les risques sanitaires en vue de la protection des populations ! Pourtant, qui oserait nier aujourd’hui qu’en première ligne se trouvent mises en jeu la santé des agriculteurs utilisateurs et celle des populations voisines, sans oublier la contamination des productions agricoles alimentaires à laquelle nous sommes tous exposés.

Cette batterie de mesures envisagée par les sénateurs pour favoriser le retour en masse des pesticides va encore plus loin, en proposant de simplifier l’attribution de leurs autorisations de mise sur le marché alors que l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) présente un nouveau guide plus strict concernant l’évaluation des pesticides.

Ce 30 mai dernier, le Vice-président de l’UNAF et moi-même, en qualité de président du SNA, étions conjointement auditionnés à l’Assemblée nationale par la Commission des Affaires économiques, avec comme objectif de connaître notre position vis-à-vis d’une possible autorisation de pulvérisation d’un néonicotinoïde, « l’acétamipride », sur les betteraves sucrières. De façon unanime, nos deux syndicats s’y sont opposés et ont rappelé une nouvelle fois les risques inévitables et inhérents à l’autorisation d’un tel usage.

Dans nos ruchers, les premières récoltes ont eu lieu pour les miels de printemps, de colza, polyfloraux et d’acacia. Totalement dépendantes du climat capricieux de ces derniers mois, les récoltes sont irrégulières avec des écarts importants accentués souvent en raison d’une fièvre d’essaimage que beaucoup n’ont pas pu maîtriser.

Quelques cas de traitements par pulvérisation en journée sur des cultures en floraison ont été constatés majoritairement sur cultures de colza et sur fruitiers, et signalés aux autorités compétentes. Ceci a engendré un rappel concernant l’interdiction de pulvériser des pesticides, quels qu’ils soient, sur les cultures en floraison selon l’arrêté « Abeilles » du 20 novembre 2021, en place depuis juillet 2022. Dans la très grande majorité des cas, un échange verbal avec un rappel à la loi a été suffisant pour mettre un terme à cette mauvaise pratique.

D’autres périodes de traitements agricoles vont avoir lieu, aussi maintenons notre vigilance concernant le respect de la réglementation et poursuivons nos échanges sur ce point avec les agriculteurs dans un esprit « gagnant/gagnant » qui garantira la qualité de nos relations futures et de nos récoltes !

Pour plus d’informations consultez le site de L’Abeille de France