Edito de Frank ALÉTRU, Président du Syndicat National d’Apiculture et de l’Association des Apiculteurs professionnels européens (EPBA)
Les apiculteurs travaillent, d’autres les pillent !

Le début de la saison apicole s’est présenté, pour la moitié nord de la France, sous le signe du froid et de la pluie ; quant à la moitié sud, le contraste n’a jamais été aussi prononcé. L’extrême précocité de la sécheresse et des incendies provoque l’inquiétude concernant le potentiel des prochaines miellées, si la pluie n’arrive pas rapidement. Cependant, certaines régions ont eu la chance de réunir les conditions permettant aux colonies de faire une récolte de miel de printemps, disons honorable. Ceci étant, du nord au sud, le travail n’a pas manqué au rucher pour tout mettre en oeuvre afin de pallier le risque de famine engendré par l’absence de miellée, ou pour limiter l’essaimage, ou encore réaliser les premiers élevages de reines et essaims artificiels puis poser des hausses. Les nuits de transhumance vers les champs de colza ou dans les plantations de fruitiers, et pour certains déjà vers les forêts d’acacias, auront fortement réduit les heures de sommeil.

Tandis que les apiculteurs travaillent d’arrache-pied au rucher pour reconstituer leurs colonies mortes, ou développer leur cheptel, d’autres, bien moins courageux et qui ne méritent pas le nom « d’apiculteurs », pillent les ruchers des collègues pour repeupler leurs ruches vides. Une recrudescence des vols s’est enclenchée début mars et s’est accélérée en avril. Les vols de ruches ont fait la Une des médias, suite à la découverte dans le Grand Est d’un rucher composé de 200 ruches volées chez différents apiculteurs. Compte tenu de l’ampleur croissante, la Gendarmerie nationale ne considère plus les vols de ruches comme des faits divers, et mène des enquêtes approfondies, avec succès parfois. Il est donc important de déclarer systématiquement le moindre vol de ruches en gendarmerie, car il n’y a pas de « petit vol » ! Le marquage systématique et personnalisé des ruches ainsi que des cadres, de façon visible et définitive, permettra de pouvoir identifier les ruches, si elles sont retrouvées. Mais surtout à titre préventif, le marquage compliquera fortement leur emploi ou leur revente par les voleurs.

Les conclusions de la vaste enquête européenne sur la fraude dans le marché du miel sont sans appel, avec près de 43% des miels importés suspectés de non-conformité. L’impact de ces escroqueries à l’échelle internationale sème inévitablement le doute chez le consommateur et c’est l’ensemble du marché du miel qui en subit les conséquences, par des cours du miel tirés vers le bas. L’imagination des « bandits » est sans limite, puisque l’on trouve maintenant du miel dit « vegan » sur le marché !

Ces deux catégories d’escrocs « pillent » l’image de marque du miel, en détruisent la notoriété millénaire et sabotent le marché du miel naturel, fruit du travail des abeilles et des apiculteurs. Pour mettre un terme à ces deux types de fraudes, le Syndicat National d’Apiculture et l’EPBA demandent que des méthodes d’analyses des miels standardisées et incontestables soient validées au niveau européen, que la liste des pays d’origine des miels en mélange soit rédigée par ordre décroissant avec les pourcentages, que cette obligation ne se traduise pas par une simple « Directive européenne » trop laxiste, mais plutôt par une « Réglementation européenne » qui s’appliquera obligatoirement dans tous les États membres de l’UE, et pour finir que la législation européenne interdise l’usage commercial du terme « vegan » associé au mot miel, qui lui ne peut provenir qu’exclusivement des abeilles. Sur ces sujets de première importance économique, l’Interprofession est comme pour le reste… inaudible, mais n’a pas oublié de faire prélever sa cotisation par la MSA chez les apiculteurs !

Il existe encore une autre catégorie de pillards, il s’agit des « chasseurs de primes » ou plus exactement les chasseurs de subventions européennes ou des financements dédiés au maintien et si possible au développement de l’apiculture. Leur technique est bien rodée : tout d’abord, leurs complices ont fait en sorte que le poids électoral des syndicats apicoles historiques très largement majoritaires pour leur représentativité des apiculteurs, tels que le SNA et l’UNAF, soit diminué de façon à les rendre systématiquement minoritaires dans les instances telles que FranceAgrimer ou l’Interprofession. Puis, choisir une thématique d’étude dans l’air du temps mais qui ne « fâche » pas, et peu importe si elle répond ou non aux attentes prioritaires des apiculteurs. Il s’agit là de véritables détournements des fonds pour l’apiculture. En effet, les sommes allouées par Bruxelles sont déterminées par le nombre de ruches déclaré par chaque État membre. Sur les douze millions d’euros, moins de cinq millions parviennent réellement en aide directe aux apiculteurs et, bien que toutes les ruches soient prises en compte, tous les apiculteurs n’y ont pas droit !

En mars dernier, le frelon Vespa orientalis découvert à Marseille en 2021 a été classé comme espèce exotique envahissante. Voyons si les ministères concernés ont su tirer les leçons des désastres provoqués par l’expansion non maîtrisée des frelons asiatiques, à moins qu’une nouvelle fois, seuls face à ces nouveaux pillards, les apiculteurs doivent appliquer ce proverbe nigérien « L’union dans le troupeau oblige le lion à se coucher avec la faim » !

Pour plus d’informations consultez le site de L’Abeille de France