Editorial Frank ALÉTRU, Président du Syndicat National d’Apiculture
Cent ans après : un devoir de mémoire et de progrès

Lorsque nous avons pris la décision de réaliser ce numéro spécial, à l’occasion du centième anniversaire du Syndicat National d’apiculture (SNA) et de la revue L’Abeille de France, couplé au cinquantenaire de notre partenariat avec la Société Centrale d’Apiculture (SCA) et son bulletin L’Apiculteur, nous n’imaginions pas l’ampleur de la tâche qui nous attendait, ni l’abondance et la richesse des informations que nous allions découvrir à la lecture de plus d’un millier d’anciens numéros.
Nous ne pouvions pas non plus imaginer l’audace, le courage, le dévouement et la ténacité qu’il aura fallu aux créateurs de ces trois structures, puis à leurs successeurs pour reprendre le flambeau, pour les animer et les faire vivre au cours de ces cent dernières années.
Très rares sont les revues agricoles spécialisées qui ont été publiées sans interruption durant une si longue période, notamment lors de la Seconde Guerre mondiale ! Éditer une revue au cours de ces douloureuses et complexes années de guerre relève de l’exploit.
Et des exploits, Jean HURPIN, fondateur du SNA et de la revue L’Abeille de France en a réalisé plus d’un : fait prisonnier à deux reprises par les Allemands, il parvient à chaque fois à s’évader.
Condamné à être fusillé, il rejoint la France libre, où il réussira à rédiger et à distribuer quelques numéros mensuels de L’Abeille de France tout au long des années d’occupation de la France par l’ennemi. Grâce à sa pugnacité et à son travail, le lien n’aura jamais été coupé entre les apiculteurs de France.
Peu d’entre nous connaissent cette période de l’Histoire du syndicalisme français. Face à tant d’héroïsme, il m’apparait que nous avons un devoir de mémoire et de continuité de l’oeuvre de Jean Hurpin et de ses successeurs, en faveur de la défense, de la promotion et de l’évolution de l’apiculture.
Un challenge qui nécessite d’être toujours plus unis et combattifs.
Tandis que nous célébrons ce centenaire, une nouvelle page de l’histoire de l’apiculture française est en train de s’écrire. À l’issue de deux années de réunions, de débats et de travaux en commun, la filière apicole tout entière, de l’amont à l’aval, a déposé auprès du ministère de l’Agriculture les derniers éléments nécessaires à la reconnaissance
officielle de sa nouvelle structure interprofessionnelle INTERAPI.
La réponse du ministère est attendue pour le mois de septembre.
Le tout récent remaniement ministériel nous a dotés de deux nouveaux ministres pour l’agriculture et pour l’écologie.
Même si nos espoirs de changement de politique agricole sont faibles, ne baissons pas les bras ! Forts de notre interprofession, nous intensifierons les échanges avec le Cabinet du ministre de l’Agriculture pour que soient prises en considération les problématiques apicoles et nos propositions.
Avec Madame Barbara POMPILI, nouvelle ministre de la Transition écologique et solidaire, le SNA avait pu entretenir des échanges constructifs lors de son précédent mandat en qualité de secrétaire d’État aux côtés de Ségolène ROYAL. Nous allons très rapidement réactiver ces relations, en souhaitant qu’elle puisse avoir une plus grande liberté de décision que ses prédécesseurs… La vague verte des écologistes aux dernières élections municipales ne devrait-elle pas y contribuer ?
Au plan européen, des décisions importantes vont être prises prochainement, relatives au Green deal, au Farm to Fork, à la nouvelle PAC, au “forçage génétique” en matière d’OGM, sans oublier les travaux de l’EFSA concernant l’élaboration de nouveaux critères pertinents pour l’évaluation des pesticides préalable à leur éventuelle mise sur le marché.
Au plan français, la révision de la “mention Abeilles” sans cesse reportée représente un enjeu important pour l’amélioration de la protection de nos abeilles et des pollinisateurs.
Sur tous ces sujets, le SNA est engagé et ne cesse de s’entourer des meilleurs conseils et experts, afin de constituer des dossiers solides à destination des ministères.
Alertés par nos adhérents victimes de vols de ruches ou de vols de hausses de miel en pleine saison, nous constatons – hélas ! que ces méfaits sont en constante augmentation. Face à une telle situation, le SNA a demandé aux services dédiés de l’État d’accorder une attention accrue à ces graves préjudices.
Autre problème : les cas d’intoxication de colonies d’abeilles, encore trop nombreux même s’ils ont diminué cette année. Tout aussi grave est la non-déclaration officielle de ces mortalités par les apiculteurs victimes. Un comportement contre-productif, auquel il faut absolument remédier. Pour parvenir à faire évoluer la réglementation d’usage des pesticides, il est indispensable de procéder à la déclaration de ces accidents en gendarmerie, afin qu’ils soient portés à la connaissance des autorités. Dans les zones où est activé le réseau d’observation des mortalités et des affaiblissements des abeilles (OMAA), celui-ci doit être alerté dès le constat des troubles ou mortalités. Dans tous les cas, informez immédiatement aussi votre syndicat départemental, ainsi que le SNA.
Les dernières miellées approchent. Toutes les régions de France ne feront pas le même bilan. Les deux tiers nord de la France annoncent des récoltes satisfaisantes. Et pour cette deuxième partie de la saison, les apiculteurs du sud de la France ont pu constater une amélioration de la production. Souhaitons à tous un bilan final positif ! Et que le marché du miel retrouve son dynamisme… ce sera une des missions prioritaires de notre future interprofession.