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Introduction au RAPPORT FAIT AU NOM DE LA COMMISSION DU DÉVELOPPEMENT DURABLE ET DE L’AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE SUR LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE sur l’interdiction de certains pesticides responsables de la mortalité des abeilles (n° 872), PAR Mme Sophie ERRANTE, Députée.

MESDAMES, MESSIEURS,

L’interdiction de certains pesticides responsables de la mortalité des abeilles est un dossier qui résume l’ensemble de la problématique du développement durable : modes de production, pratiques culturales, usage des produits phytosanitaires et conséquences éventuelles sur la santé publique, services rendus par la nature, relations entre l’être humain et la nature, activités agricoles locales, biodiversité, préservation de l’écosystème ou encore commerce extérieur, démontrant une nouvelle fois que l’écologie et l’économie sont liées.

La commission du développement durable est saisie de ce dossier en raison du dépôt par Mme Danielle Auroi, présidente de la commission des affaires européennes, d’une proposition de résolution (n° 872), à la suite du rejet par le comité permanent de la chaîne alimentaire et de la santé animale de l’Union européenne d’une demande d’interdiction de trois insecticides de la catégorie des néonicotinoïdes, jugés responsables par l’Autorité européenne de sécurité des aliments (AESA) de la mortalité prématurée des abeilles. Notre collègue, Mme Laurence Abeille, avait également déposé le 17 octobre 2012 une proposition de résolution (n° 300) en ce sens, cosignée par plusieurs de ses collègues du Groupe Écologiste.

Le thiametoxame est une molécule de la catégorie des néonicotinoïdes, mentionnée à l’annexe I de la directive 91/414/CEE du 1er février 2007. Son usage a été autorisé par l’Union européenne sous réserve de strictes conditions devant minimiser la dissémination de poussières de ce produit dans les sols ou les organismes vivants. En janvier 2010, la Commission européenne a reçu de la société qui le fabrique, Syngenta, une étude sur les abeilles mellifères, qui a été transmise à l’Espagne, alors État membre rapporteur. À la suite des observations d’autres États de l’Union européenne, soumises au comité permanent de la chaîne alimentaire et de la santé animale (CPCASA), la Commission européenne a demandé en avril 2012 à l’AESA de conduire ou de recenser de nouvelles expertises sur les risques encourus par les abeilles en raison des pesticides, plus particulièrement sur les colonies, leur développement, le comportement des larves comme celui des adultes. Sur la base des premières études de l’AESA et après des discussions au sein du comité précité, la Commission européenne a donné instruction à l’AESA de concentrer ses analyses sur trois néonicotinoïdes.

Dans son avis n° 2013-3067 du 16 janvier 2013, l’AESA a considéré que ces produits étaient dangereux pour les abeilles lorsqu’elles y étaient exposées en ingérant du nectar ou du pollen contaminé, en étant en présence de poussières ou par guttation au petit matin. Le commissaire européen à la santé, M. Toni Borg, a en conséquence proposé le 31 janvier 2013 aux CPCASA l’interdiction pour deux ans – il s’agit donc d’un moratoire – à compter du 1er juillet 2013, de l’utilisation de la clothianidine, du thiametoxame et de l’imidaclopride sur quatre grandes cultures, à savoir le colza, le tournesol, le maïs et le coton. Le CPCASA n’a pas dégagé de majorité qualifiée sur cette proposition le 15 mars dernier, qui reviendra en appel le 29 avril prochain.

La France soutenait la proposition du commissaire européen. La proposition de résolution de Mme Danielle Auroi a pour objet de soutenir le Gouvernement, de rappeler l’attachement de l’Assemblée nationale aux politiques de développement durable et de contribuer à ce qu’une majorité d’États membres approuve la proposition du commissaire européen lors du vote d’appel.

Pour autant, le soutien de l’Assemblée ne saurait intervenir sans une analyse du contexte dans lequel intervient cette proposition de résolution comme des enjeux économiques et écologiques qu’elle emporte. La santé des abeilles met une nouvelle fois en lumière le conflit quelque peu irrationnel entre les défenseurs de l’environnement et le monde agricole. Or, s’agissant de ces insectes, les bases de ce conflit sont fragiles car malgré la qualité de plusieurs études sur leur mortalité, il n’existe pas de preuve absolue que les insecticides incriminés représentent l’unique cause de l’effondrement de leurs colonies (cf. annexe, communiqué de presse de l’AESA). Les expertises de ces dernières années doivent être complétées. Focaliser le débat sur les seules abeilles au nom de la lutte contre certains pesticides empêche une réflexion d’ensemble sur la coexistence de l’agriculture et de l’apiculture – deux mondes étrangement séparés alors qu’ils sont liés par le rôle pollinisateur des abeilles – et sur la manière dont le secteur agricole et agroalimentaire, y compris les semenciers et les industriels de la chimie, doit évoluer vers des pratiques respectueuses de notre environnement et de la santé publique.

Une autre question apparaît dans ce débat : le moratoire à l’encontre de trois néonicotinoïdes porte sur leur application aux quatre grandes cultures précitées, au stade de la semence. Or ces pesticides sont largement utilisés sur les cultures vivrières (légumes notamment) et en arboriculture fruitière mais cet usage n’entre pas dans le champ du moratoire alors que les abeilles sont présentes dans l’ensemble des espaces agricoles. Il ne faudrait pas que la préservation de leur santé serve de prétexte à un autre combat, contre l’enrobage des semences. Cette question porte en effet de fortes implications économiques et sociales et doit être abordée d’une manière ouverte.

Le moratoire proposé par l’Union européenne est sans doute utile mais il ne présente d’intérêt que s’il permet, par la recherche scientifique et le dialogue au sein du monde agricole, de clarifier les raisons de la surmortalité des abeilles et d’assurer la coexistence des agriculteurs et des apiculteurs.

Consultez le rapport pdf button 

Source :  http://www.assemblee-nationale.fr/14/dossiers/interdiction_pesticides_mortalite_abeilles_ppre.asp