Sur la troisième question

93 Par sa troisième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les articles 3, paragraphe 1, et 4, paragraphe 2, du règlement n° 1829/2003 doivent être interprétés en ce sens que, lorsqu’ils impliquent une obligation d’autorisation et de surveillance d’une denrée alimentaire, il peut être appliqué par analogie à cette obligation un seuil de tolérance tel que celui prévu en matière d’étiquetage à l’article 12, paragraphe 2, du même règlement.
94 Monsanto et le gouvernement polonais considèrent que, dans l’hypothèse où un OGM a été autorisé en vertu de la directive 2001/18 ou, comme dans le litige au principal, en vertu de la directive 90/220/CEE du Conseil, du 23 avril 1990, relative à la dissémination volontaire d’organismes génétiquement modifiés dans l’environnement (JO L 117, p. 15), abrogée et remplacée par la directive 2001/18, l’autorisation délivrée couvre l’apport fortuit, dans d’autres produits, de faibles traces de matériel génétiquement modifié qui serait la simple conséquence de la mise en œuvre de cette autorisation, une telle conséquence ayant, selon eux, été prise en compte lors de l’évaluation de l’OGM.
95 Une analyse en ce sens ne peut être retenue.
96 Les directives 90/220 et 2001/18 ont été adoptées successivement pour régir la dissémination volontaire d’OGM dans l’environnement et la mise sur le marché d’OGM en tant que produits, l’objectif poursuivi étant d’éviter les effets négatifs qui pourraient résulter de ces OGM sur la santé humaine et l’environnement.
97 Le règlement n° 1829/2003 s’applique au domaine particulier des denrées alimentaires et des aliments pour animaux. S’agissant des denrées alimentaires, son premier objectif, visé à son article 4, paragraphe 1, est également d’éviter des effets négatifs sur la santé humaine et l’environnement.
98 Cependant, l’approche des directives 90/220 et 2001/18 est conçue sous l’angle prédominant de la notion de «dissémination volontaire», laquelle est définie à l’article 2, point 3, de chacune de ces directives comme l’introduction intentionnelle d’OGM dans l’environnement sans mesure de confinement spécifique destinée à limiter leur «contact» avec «l’ensemble de la population et l’environnement».
99 Cette approche apparaît donc plus générale, y compris en ce qui concerne la mise sur le marché d’un OGM en tant que produit. En effet, à propos de celle-ci, les douzième, treizième et quatorzième considérants de la directive 90/220 ainsi que les vingt-cinquième, vingt‑huitième et trente‑deuxième considérants de la directive 2001/18 lient la nécessité d’instaurer une procédure d’évaluation et d’autorisation à l’hypothèse dans laquelle la mise sur le marché implique une dissémination volontaire dans l’environnement.
100 Le règlement n° 1829/2003, s’il comporte également, en particulier à ses articles 5, paragraphe 5, et 6, paragraphe 4, des aspects d’évaluation des risques pour l’environnement des denrées alimentaires, est fondé de façon prépondérante, en ce qui concerne celles-ci, sur une approche de protection de la santé humaine liée à la circonstance spécifique que ces denrées sont destinées, par définition, à être ingérées par l’être humain. Ainsi, conformément à son troisième considérant, pour protéger la santé humaine, les denrées alimentaires contenant des OGM, consistant en de tels organismes ou produits à partir de ceux-ci, doivent faire l’objet d’une évaluation de leur «innocuité».
101 Le règlement n° 1829/2003 institue de la sorte un niveau de contrôle supplémentaire.
102 Ce règlement serait rendu sans objet s’il était considéré qu’une évaluation réalisée et une autorisation délivrée en application des directives 90/220 ou 2001/18 couvrent tous les risques potentiels subséquents  pour la santé humaine et l’environnement.
103 Lorsque les conditions énoncées à l’article 3, paragraphe 1, du règlement n° 1829/2003 sont remplies, l’obligation d’autorisation et de surveillance existe quelle que soit la proportion de matériel génétiquement modifié contenue dans le produit en cause.
104 En effet, en ce qui concerne cette obligation, un seuil de tolérance de 0,5 % n’a été prévu qu’à l’article 47 du règlement n° 1829/2003. Or, ce seuil a cessé d’être applicable trois ans après la date d’application de ce règlement, conformément au paragraphe 5 dudit article 47.
105 Quant au seuil de tolérance de 0,9 % par ingrédient édicté à l’article 12, paragraphe 2, du règlement n° 1829/2003, il concerne l’obligation d’étiquetage et non pas l’obligation d’autorisation et de surveillance.
106 Son application par analogie à cette dernière obligation priverait de toute utilité la disposition qui le prévoit, dès lors qu’elle exclurait la denrée alimentaire en cause du champ d’application du règlement n° 1829/2003.
107 En tout état de cause, elle contredirait l’objectif d’un «niveau élevé de protection de la vie et de la santé humaines» énoncé à l’article 1er de ce règlement.
108 Il convient donc de répondre à la troisième question que les articles 3, paragraphe 1, et 4, paragraphe 2, du règlement n° 1829/2003 doivent être interprétés en ce sens que, lorsqu’ils impliquent une obligation d’autorisation et de surveillance d’une denrée alimentaire, il ne peut pas être appliqué par analogie à cette obligation un seuil de tolérance tel que celui prévu en matière d’étiquetage à l’article 12, paragraphe 2, du même règlement.

Sur les dépens

109 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (grande chambre) dit pour droit:

1) La notion d’organisme génétiquement modifié  au sens de l’article 2, point 5, du règlement (CE) n° 1829/2003 du Parlement européen et du Conseil, du 22 septembre 2003, concernant les denrées alimentaires et les aliments pour animaux génétiquement modifiés, doit être interprétée en ce sens qu’une substance telle que du pollen issu d’une variété de maïs génétiquement modifié, qui a perdu sa capacité de reproduction et qui est dépourvue de toute capacité de transférer du matériel génétique qu’elle contient, ne relève plus de cette notion.

2) Les articles 2, points 1, 10 et 13, ainsi que 3, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 1829/2003, 2 du règlement (CE) n° 178/2002 du Parlement européen et du Conseil, du 28 janvier 2002, établissant les principes généraux et les prescriptions générales de la législation alimentaire, instituant l’Autorité européenne de sécurité des aliments et fixant des procédures relatives à la sécurité des denrées alimentaires, et 6, paragraphe 4, sous a), de la directive 2000/13/CE du Parlement européen et du Conseil, du 20 mars 2000, relative au rapprochement des législations des États membres concernant l’étiquetage et la présentation des denrées alimentaires ainsi que la publicité faite à leur égard, doivent être interprétés en ce sens que, lorsqu’une substance telle que du pollen contenant de l’ADN et des protéines génétiquement modifiés n’est pas susceptible d’être considérée comme un organisme génétiquement modifié, des produits comme du miel et des compléments alimentaires contenant une telle substance constituent, au sens de l’article 3, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 1829/2003, «des denrées alimentaires […] contenant [des ingrédients produits à partir d’OGM]». Pareille qualification peut être retenue indépendamment du point de savoir si l’apport de la substance en cause a été intentionnel ou fortuit.

3) Les articles 3, paragraphe 1, et 4, paragraphe 2, du règlement n° 1829/2003 doivent être interprétés en ce sens que, lorsqu’ils impliquent une obligation d’autorisation et de surveillance d’une denrée alimentaire, il ne peut pas être appliqué par analogie à cette obligation un seuil de tolérance tel que celui prévu en matière d’étiquetage à l’article 12, paragraphe 2, du même règlement.

Signatures


* Langue de procédure: l’allemand.

 

Source : http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=CELEX:62009CJ0442:FR:HTML